Vieillir, c'est mortel...
20 avril 2020 - Florence Clémente
« Le plus pénible quand on vieillit, c’est de se sentir encore jeune »
(Robert Louis Stevenson)
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours détesté ce jour où l’on devait me célébrer, enfin célébrer mon âge.
Le compte à rebours démarrait le 1er avril et l’anxiété me gagnait jusqu’à ce que je souffle ces effrayantes bougies, dix-neuf jours plus tard. Devenir le centre d’intérêt même pour quelques heures me paralysait d’avance et j’affichais un sourire tétanisé sur le cliché, que l’on prenait de moi devant le gâteau illuminé. Les quelques secondes avant de souffler sur les flammes de l’enfer pendant que tout le monde s’époumonait, souvent très faussement, sur la sempiternelle chanson, me coupaient la respiration et accéléraient mon rythme cardiaque. Les applaudissements marquaient la fin de cet exploit, le fait d’avoir soufflé toutes les bougies du premier coup.
Les changements de dizaine venaient appesantir encore un peu plus ce rite annuel. Excepté pour mes dix ans. J’étais si fière d’avoir deux chiffres dans mon âge comme les grands. Ainsi que pour mes vingt ans où je me suis sentie libre et immortelle. Mais ça n’a pas duré longtemps…
J’ai ensuite continué de détester mon anniversaire, cet exorcisme du passage des ans. Je n’avais aucune envie de me souvenir chaque année que je vieillissais inexorablement. J’étais plutôt animée par un besoin profond de piétiner de rage ce calendrier destructeur et briser ce sablier perpétuel, pour arrêter le temps tout simplement.
[…] Vieillir, c'est désolant, c'est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c'est déprimant, c'est mortel. Mais j'ai préféré « chiant ». Parce que c'est un adjectif vigoureux. Qui ne fait pas triste. Vieillir, c'est chiant parce qu'on ne sait pas quand ça a commencé et l'on sait encore moins quand ça finira […]
« Bernard Pivot »
Alors, oui, je vieillis et c’est vraiment chiant. Et je vais vieillir de plus en plus. J’ai régulièrement vingt ans dans ma tête, mais cela n’empêche pas le compte à rebours infernal de s’emballer.
À quoi bon, fêter la vieillesse, célébrer le temps qui passe, ou louer le temps qui nous reste à vivre ? Pourquoi se réjouir de vieillir et de se rapprocher du moment, où tout s’éteint et où tout s’arrête pour toujours ?
Certes, c’est voir le verre à moitié vide ; mais je ne peux que le voir à moitié vide vu mes origines ! À 50 ans (Haaaa que c’est difficile à écrire, même en tapant sur un clavier), je pourrais aussi me dire que fêter mon anniversaire, c’est exprimer de la gratitude pour le fait d’être en vie…
Je pourrais.
Je devrais.
Parce que j’aime la vie et qu’elle est bien trop courte.
Et je voudrais vivre encore mille vies.
Alors même si je me dis souvent que la vie ne vaut rien, je sais bien que rien ne vaut la vie. Surtout sans anniversaire !
Ou alors, faire comme dans Alice au Pays des Merveilles et ne fêter que de Joyeux non-Anniversaire ! 😊
CVOTREHISTOIRE | Avril 2023
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